lundi 14 mars 2016


De l'utilité de créer des personnages presque fictifs





Marie, je me suis levé tôt : tout le monde dort encore sauf les chats. Je réponds "oui" aux deux premières questions et "non" à la dernière. Je lis la dernière phrase de votre commentaire : à mon tour une question : avez-vous aimé lire là, juste au dessus, ce que j'ai écrit comme réponse au commentaire de Catherine et qui commence par “J'ai fait l'amour rue Véronèse”
A midi il y a une sorte de repas de famille : je dois m'y soumettre : c'est pas grave : je penserai à votre commentaire. 


Alf, je me suis couchée tard : je me suis levée tard, pas de chat, pas de chien, pas de canari. N'y pensez pas trop, rien de grave, en effet : — un petit ricochet, un galet bien plat lancé sur l'eau, petits rebonds légers et tombé dans les hauts fonds muets. 
Les Arènes de Lutèce, j'y suis allée un ancien été, m'asseoir sur les pierres : la tête à l'ombre et les pieds au soleil, — et pour le reste je ne sais pas. Bien plate comme le galet. 


Marie, il y a façon et façon de se tenir dans le désordre : souvent le galet plat fait d'abord deux ou trois grands bonds pour finir par une série de petits bonds courts et lents. 
Une série de petits bonds courts et lents avant le grand engloutissement dans les hauts fonds muets : comme vous dites.

9 commentaires:

  1. Alfonso est sensible au « je ne sais quoi » du commentaire. Il tourne autour, le regarde sous tous les angles, l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas.
    Au « trois fois rien » d'une tournure de phrase.
    Alfonso est styliste, et rêve d'un défilé de commentaires, vivants, sous leur étoffe légère, doux au toucher. Trois petits tours et puis s'en vont.

    Les ricochets de Marie me font penser à ce poème que je fredonne titilala titilala
    « Je chante pour passer le temps...
    … Comme on se fait le cœur content
    A lancer cailloux sur l'étang... 
    … Au violon s'use l'archet
    La pierre au jeu des ricochets
    Et que mon amour est touchante
    Près de moi dans l'ombre penchante
    Oui pour passer le temps je chante »

    On commente aussi un peu de la même manière, une petite trace et puis l'oubli.

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  2. Le commentaire de blog est la forme la plus exquise de l'inconfort de vivre.

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  3. Le commentaire est la vengeance de Dieu.

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  4. si j'avais su le dire de cette façon, je l'aurais dit de cette façon

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  5. Alf est burlesquement poétique... ou poétiquement burlesque. (ceci est un compliment)

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  6. Cher Alfonso,

    Je regardais le film « Mon roi » hier, et une scène m'a intriguée, au point que j'ai fait pause, marche arrière, plusieurs fois, pour m'en imprégner.
    C'est quand Tony, l'héroïne (Emmanuelle Bercot), fait son discours devant une assemblée d'avocats. On comprend que c'est un concours d'éloquence, important pour sa formation d'avocate.
    Le premier secrétaire l'invite à prendre la parole « pour la négative » (oui, c'est ce qu'il dit : « pour la négative »), et elle dit à peu près ceci :
    « Hypocrites secrétaires, mes amis, mes frères,
    Faut-il tout gâcher ? Comme si le monde était neuf, comme si c'était le premier matin, comme si c'était l'aube encore ?
    La vérité, mesdames et messieurs les secrétaires, c'est que ce qui a déjà été gâché, cette déception qui nous fonde, c'est notre liberté.
    Il faut n'avoir plus rien à perdre pour aimer vraiment , s'y jeter à corps perdu.
    Il faut avoir dépassé tous les vertiges pour oser cet abîme-là.
    Il faut avoir connu les empires qui vacillent, et les plus grands orages, pour à cet instant être là avec toi.
    Il faut avoir tant vécu, tant gâché, tant de fois, pour avec toi ne rien gâcher.
    L'amour n'est rien quand il est neuf, propre et pur. L'amour avant l'orage n'est pas un choix, c'est une loi.
    Quand surgit l'événement, l'accident, l'occasion, il faut être là, debout, trouver le mot, le geste, le regard.... »
    C'était saisissant de beauté et d'énigme. Voulant en savoir un peu plus, j'ai cherché sur le net à quoi pouvait bien correspondre un discours « pour la négative ». Je suis tombée sur un extrait d'un livre d'Henri Leclerc « Un combat pour la justice ». Et là, j'ai découvert quelque chose qui m'a fait très plaisir, tant cela m'a paru éloigné des réflexes utilitaires actuels.
    Il parle de la « conférence du stage », un très vieux concours d'éloquence pour avocats pénalistes, un des derniers lieux de la rhétorique qui subsistent encore. Et qui est aujourd'hui restée ce qu'elle était autrefois. "La forme du discours a changé, mais l'on y dispute toujours sur des questions vaines, les uns « pour l'affirmative », les autres « pour la négative ». On fait des discours, on parle sans micro. On lance des idées et des mots, pour rien, pour l'émotion de la parole, la beauté de la phrase."

    Je me suis dit que dans une certaine mesure, toute petite mesure, il arrive que dans un commentaire on évoque des questions vaines, les uns "pour l'affirmative" et les autres (c'est heureux) "pour la négative". On écrit quelque chose, on lance des idées et des mots, pour rien, pour soi, pour l'autre, pour l'émotion de la parole, la beauté de la phrase.

    Bien à vous,

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  7. J'ai vu hier ou avant-hier un extrait de ce dont vous parlez dans un journal télévisé.

    Hier j'ai suivi sur Périscope (Périscope est toujours un grand moment) les manifestations à Paris (3 X 15 minutes sous la pluie : l'iPhone 6 enveloppé d'une substance vaporeuse). La voix du commentateur, les commentaires, les cœurs.

    Dans le monde d'avant (qui n'existe pas) je regardais Messieurs les jurés.

    Dans le monde d'avant (qui n'existe pas) je suis allé au Palais de justice : j'ai vu de la salle des avocats plaider.

    Les algorithmes remplaceront les jeunes conseillés en communication : et donc les éléments de langages.

    Je lirai toujours Catherine vos commentaires comme de la poésie objective (pour la négative, pour l'affirmative et pour tous les sens).

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  8. Cher Alfonso,
    J'ignore tout de la plupart des choses, mais je crois que je préfère encore un algorithme à un jeune conseiller en communication. Sauf si sa cravate est ridicule, ou s'il manque deux boutons à sa veste, auquel cas il est mon ami.
    Bien à vous,

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[La grand’salle du château.]

Entrent Hamlet et plusieurs Comédiens.

HAMLET
Dites, je vous prie, cette tirade comme je l’ai prononcée devant vous, couramment ; mais si vous la braillez, comme font beaucoup de nos acteurs, j’aimerais autant faire dire mes vers par le crieur de la ville. Ne sciez pas trop l’air ainsi, avec votre bras ; mais usez de tout sobrement ; car, au milieu même du torrent, de la tempête, et, je pourrais dire, du tourbillon de la passion, vous devez avoir et conserver une modération qui lui donne de l’harmonie.