mardi 25 septembre 2012

L'automne, déjà ! — 8




Ce 1er août.
Vers la fin de notre existence, disait Arthur Schopenhauer, chacun de nos jours nous donne une sensation du genre de celle que peut éprouver le criminel à chaque pas qui le mène au gibet…
Mais que de détours pour en arriver là ! Et quel fabuleux roman d’apprentissage que celui que nous sommes tous amenés  à écrire dès lors que nous prenons conscience de nous-mêmes, de notre irréductible singularité et de cette insatiable curiosité qui nous pousse à scruter chaque recoin de la prison où, sans que nous le sachions encore, un mauvais démiurge se prépare à nous torturer.
A la demande de Maupassant, Flaubert lut Schopenhauer à la fin de sa vie. « Ça me va », avait-il opiné. Quant à son neveu, il n’était pas dupe de ce besoin d’amour qui nous jette vers autrui, alors que nous savons bien que tous nos efforts pour briser notre solitude resteront stériles, nos abandons inutiles, nos confidences infructueuses, nos étreintes impuissantes, nos caresses vaines. Et pourtant, n’oublions jamais cette confidence de Nietzsche à sa sœur : «  Aujourd’hui encore, après une heure d’entretien sympathique avec des êtres qui me sont absolument étrangers, toute ma philosophie chancelle : il me semble tellement absurde de s’obstiner à avoir raison au prix de l’amour… »


Roland Jaccard / La Comédie du bonheur / Carnets de l’été 1989